Les Optimistes

vendredi, avril 20, 2007

Calcul de la consommation d'énergie et des émissions de CO2 d'une maison écologique - un cas concret : la maison Comby à Houilles

En complément des informations concernant les besoins énergétiques de cette maison écologique, informations que nous avions publiées précédemment sur le blog, on peut adopter une autre approche en utilisant un logiciel professionnel mis au point par l'ADEME et des thermiciens professionnels, afin de calculer les besoins en énergie d'une habitation selon ses caractéristiques thermiques et son mode de chauffage.

Ce logiciel professionnel au format EXCEL (.xls) est téléchargeable ici (ou voir fichier joint) : http://www.ecolo.org/documents/documents_in_french/CO2-calcul-dimens-conso-chauff-ECS.xls

Ce logiciel peut être utilisé pour n'importe quelle maison ou habitation. Il donne, dans le cas de notre maison, une estimation précise des consommations annuelles pour le chauffage et l'eau chaude sanitaire :

- pour le chauffage : 1324 kWh d'électricité par an (soit 120 Euros par an, au tarif actuel de l'électricité de 9 cts/kWh) ; le chauffage est assuré dans notre cas par une pompe à chaleur eau/eau sur nappe phréatique à 14°C avec un COP (coefficient de performance) théorique de 6 (qui sera en pratique d'environ 5 compte tenu de la pompe de forage). Vous pouvez vérifier par vous-même en lisant ce résultat à la ligne 20 sur l'onglet "Chauffage" du fichier de simulation excel mentionné ci-dessus. Il a été considéré que pour cette maison à Houilles, compte tenu de l'isolation renforcée d'une part, de la VMC double-flux, du puits canadien et des ruptures de pont thermique au niveau des planchers d'autre part, le besoin de chauffage de l'habitation sera la moitié de celui d'une maison RT-2005 ordinaire (soit 0,4 fois celui d'une maison RT 2000 dans le logiciel). En réalité, il est fort probable que le besoin de chaleur de notre maison soit encore bien plus faible que cette estimation, notamment en raison de la VMC double-flux et du puits canadien, qui ramènent à zéro ou presque les pertes en calories résultant de la ventilation obligatoire, gains qui ne sont pas pris en compte par ce logiciel (le puits canadien divise par 2 en moyenne le besoin de chauffage de l'air entrant en hiver et la ventilation double-flux récupère 90% des calories de l'air sortant, transférées à l'air entrant, soit une réduction au total de 95% du besoin de chauffage de l'air de ventilation).

- pour l'eau chaude sanitaire (ECS) : 777 kWh par an (soit 71 Euros par an) pour une famille de 3 personnes, l'ECS est fournie dans notre cas par une pompe à chaleur avec un COP de 3 (la PAC fonctionnant à température plus élevée pour l'ECS, son COP est moins bon que pour le chauffage). Lire ce résultat à la ligne 16 sur l'onglet "ECS" du fichier de simulation excel.

En pratique, une partie de la chaleur fournie pour l'ECS contribuera aussi à chauffer le logement (quand on prend sa douche, cela réchauffe la salle de bain et diminue d'autant le besoin de chauffage en hiver). Les besoins totaux chauffage + ECS peuvent donc être estimés à largement moins de 2000 kWh par an d'électricité, ce qui correspondrait à un coût de 180 Euros par an (fourchette quasi-certaine : entre 120 et 200 Euros par an)(il a été parié que cela restera de toutes façons inférieur à 500 Euros par an dans 2 ans même si le prix de l'électricité devait augmenter beaucoup d'ici là).

Résumé : la maison consommera, pour le chauffage et l'ECS, moins de 2000 kWh/an d'électricité pour 150 m2 habitables, soit seulement 13 kWh/m2 par an au maximum (et peut-être encore bien moins compte tenu de la VMC double-flux). Ce qui nous place au top niveau, celui des très, très rares maisons à très, très basse consommation d'energie, c'est à dire consommant moins de 15 kWh/m²/an (eau chaude incluse).

A titre de comparaison, les besoins énergétiques habituels (pour le chauffage seulement) sont de :
- construction ancienne (jusqu'en 1999 inclus) : 150 à 500 kWh/m2 par an
- maison conforme à la réglementation RT2000 : 100 kWh/m2 par an
- maison conforme à la réglementation RT2005 : 85 kWh/m2 par an
- HPE (haute performance énergétique en France) : 70 kWh/m2 par an
(ceci préfigure vraisemblablement ce que sera la RT 2010)
(notre maison est au moins 5 fois meilleure que ce niveau HPE)
- pour bénéficier du label Minergie en Suisse : 42 kWh/m2 par an

Les maisons les plus performantes au monde sont les maisons dites passives (PassivHaus en Allemagne) : leurs besoins en énergie doivent être inférieurs à 50 kWh/m2 par an au total, dont 15 kWh/m2 par an pour le chauffage. Il n'existe qu'un petit nombre de maisons de ce type dans le monde. La nôtre sera à ce niveau des "maisons passives" (maisons très bien isolées ayant les plus faibles besoin en énergie au monde). Même en Allemagne et en Suisse, pays très en avance sur la France pour la qualité d'isolation, une performance de 15 kWh/m2 par an est considérée comme exceptionnelle. Notre maison sera peut-être même unique en France à ce niveau de performance.

Un m2 de capteur solaire photovoltaïque, tels que ceux commercialisés par exemple par la société PHOTOWATT (http://www.photowatt.com) produit 110 kWh par an d'électricité en région parisienne (compter environ 30% de plus sur la Côte d'Azur) lorsque les capteurs sont neufs et orientés au sud avec une inclinaison optimale de 40° environ. Dans le cas de notre maison, le toit dispose de l'orientation (sud) et d'une inclinaisons (35°) proches de l'optimum. Avec l'usure (salissures des vitres et perte de rendement des cellules au silicium) il faut prévoir une érosion de 20% du rendement au bout de 20 ans, soit 10% en moyenne, ce qui nous donne un rendement moyen de 100 kWh par m2 installé et par an. Notre maison à très faible besoin d'énergie deviendra donc une maison à ENERGIE POSITIVE (qui produit plus d'énergie qu'elle n'en consomme, soit 2000 kWh par an) en installant 20 m2 de capteurs solaires PV sur la toiture côté sud. C'est tout à fait possible puisque le pan de toiture orienté plein sud a une surface d'environ 53 m3 (dont seulement 80% = 42 m2 sont utilisables pour des panneaux solaires compte tenu des bordures de toit et de la cheminée). Nous envisageons donc d'installer ultérieurement des capteurs solaires PV en toiture. Cela suppose un investissement supplémentaire, d'environ 610 Euros par m2 x 20 = 12 200 Euros (devis fourni par photowatt : 5 Euros le Wc sachant qu'un panneau de 165 Wc correspond à une surface de 1,35m2). Cet investissement n'est pas perdu : il est progressivement remboursé avec le temps du fait de la revente à EDF de l'électricité produite (tarif de rachat, actuellement très élevé, par EDF de l'électricité ainsi produite : 0,55 cts/kWh si les capteurs remplacent les tuiles et sont intégrés au bâti, soit environ 55 Euros par m2 de capteur installé = 1100 Euros par an pour 20 m2). Il faut donc environ 11 ans (hors subventions et avantages fiscaux) pour parvenir au point d'équilibre (correspondant au remboursement de l'investissement initial) en ce qui concerne l'option photovoltaique, dont la durée de vie est d'environ 20 ans.

Maintenant que nous disposons de chiffres précis pour la consommation en énergie de notre maison écologique, voyons ce qu'il en est pour ce qui concerne ses émissions de CO2.

Les émissions de CO2 par kWh d'électricité sont de :

France (80% d'électricité nucléaire, 5% fossile) : 80 g CO2 par kWh
Allemagne (30% d'électricité nucléaire, 60% fossile) : 600 g CO2 par kWh
Danemark (0% d'électricité nucléaire, >70% fossile) : 800 g CO2 par kWh
Source : http://www.ecolo.org/documents/documents_in_english/CO2-per-kWh.gif

Ce qui donne pour notre maison :
- construite en France : 2000 x 0,08 = 160 kgs de CO2 par an

Une première comparaison : il est fréquent en banlieue parisienne qu'un pavillon consomme plus de 3000 litres de fuel par an (pour le chauffage uniquement). A raison de 3,2 kgs de CO2 par litre de fuel, ceci correspond à 10 tonnes de CO2 par an. Presque 100 fois plus que notre maison écologique, cela confirme l'ordre de grandeur de nos estimations initiales !

Maintenant, il est vrai qu'aujourd'hui les nouvelles constructions sont de mieux en mieux isolées et que le mode de chauffage le plus fréquent dans la construction neuve n'est plus le fuel mais le chauffage au gaz. Il est donc intéressant de comparer notre maison avec une maison construite aujourd'hui (conforme à la norme RT 2005) et chauffée au gaz. On trouve le facteur de conversion permettant de transformer les kWh de gaz consommés en kgs de CO2 dans le calculateur de CO2 : http://www.ecolo.org/documents/documents_in_french/CO2-calculateur-AEPN-complet.xls

Voici le résultat de cette comparaison : notre maison de 150 m2 habitables en banlieue parisienne, si elle était construite conformément à la réglementation technique RT2005 actuellement en vigueur (cf le logiciel de simulation dont l'adresse de téléchargement est donnée au début de ce message) nécessiterait 16 500 kWh de gaz par an (à 3,6 cts le kWh, soit 600 Euros de dépenses pour le chauffage uniquement, c'est-à-dire 4 fois plus que ce qu'il nous en coutera) en émettant dans l'atmosphère plus de 3 tonnes de CO2 = 190 g CO2/kWh x 16 500 kWh = 3125 kgs CO2. Grâce à une meilleure isolation notamment (RT2005) et parce que le gaz rejette un peu moins de CO2 dans l'atmosphère que le fuel à quantité égale de chaleur produite (*), c'est trois fois mieux qu'un pavillon moins bien isolé chauffé au fuel, mais tout de même 20 fois plus que notre maison écologique !

(*) - en fait, il s'agit d'une estimation basse, car pour que le bilan CO2 d'une maison chauffée au gaz soit complet, il conviendrait ajouter (ce qui n'a pas été fait dans nos calculs ci-dessus) les pertes en ligne (gazoducs pas étanches à 100%) de gaz (CH4), sachant que le gaz naturel non brûlé est un très puissant contributeur à l'effet de serre : une molécule de CH4 contribue 23 fois plus qu'une molécule de CO2 au réchauffement de l'atmosphère ! Lorsqu'on tient compte de cela, avec des fuites de gaz de seulement 5% entre le lieu de production du gaz en Sibérie, en Iran ou en mer du Nord et son arrivée dans les habitations en Europe continentale, le gaz contribue autant ou même plus au réchauffement climatique que le fuel ou même le charbon.

En résumé :

- parcequ'elle est très bien isolée et chauffée par une pompe à chaleur performante (eau/eau sur nappe phréatique : la technologie ayant le meilleur coefficient de performance) notre maison aura besoin de très, très peu d'énergie : moins de 13 kWh d'électricité par m2 de surface habitable et par an. Nous faisons ainsi jeu égal avec les maisons les plus écologiques au monde, comme les maisons à très faible besoin d'énergie en Allemagne, dites "Passivhaus".

- équipée de 20 m2 de capteurs solaires photovoltaïques, notre maison est non seulement une maison à très, très faible besoin d'énergie, mais elle devient une maison "à énergie positive" (elle produit plus d'énergie qu'elle n'en consomme).

- pour le CO2, en supposant que l'électricité consommée est produite en France par EDF (en réalité, il pourrait y avoir sur la toiture des panneaux photovoltaïques produisant autant que ce que nous consommerons) notre maison émettra environ 1kg de CO2 par m2 habitable et par an, c'est-à-dire 20 fois moins de CO2 dans l'atmosphère qu'une maison de même surface habitable (150 m2) construite en France selon les normes actuelles (RT 2005) et chauffée au gaz, et 10 fois moins qu'une maison écologique super-performante construite au Danemark ou en Allemagne (PassivHaus), ceci parce que la production d'électricité est 10 fois moins émettrice de CO2 en France que dans ces pays. CECI EST SANS DOUTE UN RECORD DU MONDE DE LA PLUS FAIBLE CONTRIBUTION A L'EFFET DE SERRE POUR UNE MAISON DISPOSANT DU CONFORT MODERNE.

- mais si l'on tient compte du fait que la maison produit de l'énergie qui est revendue à nos concitoyens via EDF (20 m2 de capteurs solaires photovoltaïques sur la toiture côté sud), alors elle n'émet pas du tout de CO2 (sauf un peu pour la fabrication des cellules photovoltaïques, mais je n'ai pas fait le calcul exact).

La réglementation technique (RT 2005) qui se renforce progressivement et est déjà bien meilleure en France qu'en Grande-Bretagne, est une bonne chose, mais elle est toujours très supérieure (d'un facteur 5 ici) à ce qu'il serait possible de faire en faisant les meilleurs choix.

Conclusion étonnante : cependant, les maisons écologiques en France sont 10 fois plus écologiques que les maisons les plus écologiques en Allemagne (grâce à l'électricité nucléaire et hydraulique) !

Conséquence : notre maison pourra légitimement prétendre au titre de MAISON LA PLUS ECOLOGIQUE non seulement en France mais DANS LE MONDE (l'électricité française étant, à peu près ex-aequo avec la Suisse et la Suède qui ont moins de nucléaire mais plus d'hydraulique que nous, la plus propre au monde) tout en disposant de tout le confort moderne (chauffage, ventilation à fort taux de renouvellement d'air, rafraichissement automatique par puits canadien l'été, air filtré et propre en région parisienne...).

Tous les chiffres, calculs et simulations ci-dessus sont aisément vérifiables auprès des sources indiquées, ou avec les éléments que vous trouverez par ailleurs auprès de thermiciens ou sur le web. Merci de me signaler des corrections éventuelles !

Les chiffres de consommation futurs réels pourront être vérifiés le moment venu et seront validés par la mesure précise des consommations électriques (les principaux appareils notamment la pompe à chaleur et la centrale de ventilation double-flux seront équipés d'un compteur électrique) ceci un an après la fin de la construction (dans environ 2 ans, en 2009).

Le niveau de consommation énergétique réelle de la maison fait l'objet d'un pari avec un bon ami (Michel Lung). D'habitude, je ne parie JAMAIS rien sur quoi que ce soit (ce n'est pas mon style, je n'aime pas les jeux de hasard). Mais là, il en va de mon honneur à la fois d'ingénieur et d'écologiste. Si je me suis trompé dans mes calculs et que les faits (consommations réellement relevées sur les compteurs dans 2 ans) me donnent tort, cela me coûtera donc un repas pour 4 personnes dans un restaurant de son choix ! Après rédaction de ce message qui a été l'occasion d'affiner les calculs préliminaires, je suis même prêt à augmenter la mise s'il le souhaite !

Bien cordialement, avec mes salutations les plus écologiques,

Bruno Comby

2 Comments:

Anonymous Anonyme said...

petite question/remarque qui ne remet pas en cause le fond de l'article. j'avais cru comprendre que l'un des intérets des briques type monomur était une meilleure régulation de l'hygrométrie (paroi permeable à l'humidité) avait comme conséquence une meilleure qualité de l'habitat...dans votre cas, il me semble que la laine de verre et le BA13 à l'intérieur annulent cet avantage...c'est peut etre l'un des compromis à réaliser pour atteindre une tres faible conso.

6:01 AM  
Anonymous Anonyme said...

pas pos de visio votre logici???

3:22 PM  

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